La DSM (Deutsches Sportmodell) 34 a été conçue à une époque où l'Allemagne, en plein réarmement, cherchait à contourner les restrictions imposées par le Traité de Versailles (en termes d'armes légères et de munitions, entre autres) pour former de jeunes tireurs et entraîner ses troupes à moindre coût. C'est la raison pour laquelle le Deutsches Sportmodell ("modèle sportif allemand") apparaît, à quelques détails près, comme une copie en modèle réduit du Standard Modell et du Gewehr für Deutsche Reichspost ("fusil pour la poste du Reich" !) de 1934, précurseurs du K98k de la Seconde Guerre mondiale.
Après la guerre, une majorité de ces carabines a été "sporterisée" : crosse raccourcie et remodelée à l'avant, garde-main supérieur supprimé, oeillets de démontage de la culasse éliminés et leurs trous rebouchés, de même que l'orifice prévu sur la crosse pour le passage de la bretelle - munies de canons de bonne qualité, ces carabines étaient en effet prisées pour leur précision et l'on souhaitait, autant que possible, les rapprocher, avec plus ou moins de bonheur, des canons de la beauté cynégétique.
Pour la review de la DSM 34 "non dé-sporterisée", cliquez
ICI !Pour ma part, j'ai eu la chance, grâce à un grand collectionneur français, de retrouver une crosse de Deutsches Sportmodell intacte pour restaurer cette DSM 34 et lui redonner son apparence des années trente. Le numéro de série très élevé qui est inscrit à l'intérieur du garde-main supérieur (184862) m'inclinerait à penser que cette crosse a été prélevée sur une carabine produite par BSW.
Bien que de qualité inférieure au noyer de la crosse Mauser d'origine, le noyer clair et légèrement tigré de la nouvelle crosse reste agréable à l'oeil.
La désignation du modèle apparaît en lettres gothiques sur le côté droit.
La boule du levier d'armement en forme de goutte d'eau est typique du
Deutsches Sportmodell.
La "bannière Mauser" (Mauser banner) est en grande partie effacée sur le tonnerre : probablement oxydé, le métal a dû être décapé et rebronzé, mais à date ancienne, néanmoins, étant donné la qualité de ce bronzage, que rien ne distinguerait a priori du bronzage originel. La position basse de l'extracteur et la découpe carrée de la fenêtre de chargement/d'éjection sont typiques des DSM précoces.
Mauser banner et poinçons d'épreuve commerciaux B U couronnés sur un fusil Mauser Mod. 1935 en calibre 7x57 fabriqué en avril 1937 pour le Brésil.
Un auget a été aménagé dans la chambre afin de faciliter le chargement de la cartouche .22 LR.
Le pontet en tôle emboutie est radicalement différent de celui du
Standard Modell ou des premiers K98k, en acier usiné.
Le pied de hausse est soudé sur le canon. La hausse tangentielle, quoique relativement différente de celle du K98k, fonctionne sur le même principe avec son curseur et offre exactement la même prise de visée avec son cran de mire en V et le guidon triangulaire de l'arme.
La "demi-lune" recouvre l'une des extrémités du garde-main supérieur et permet de le caler sous le pied de hausse. Cette pièce manque couramment sur les DSM non "sporterisées'.
La hausse est graduée par intervalles de 25 mètres de 25 à 200 mètres, distance limite qui semble déjà très optimiste pour ce genre de visée ouverte...
La hausse du Mod. 1935 Brésil, de type K98k et graduée de 100 à 2000 m
, fait clairement apparaître les différences et les similitudes entre les deux hausses.
Datable de 1934, cette carabine issue des usines Mauser d'Oberndorf am Neckar est de fabrication soignée et ses pièces ont été consciencieusement numérotées au numéro de série de l'arme : boîtier de culasse, canon et levier d'armement, bien sûr, mais aussi sûreté en drapeau, verrou de culasse, percuteur, planchette de hausse, noix de culasse etc. Le moignon de crosse sporterisée étant également "au numéro", il est clair que je le conserverai et qu'il fera partie du "package" si je me sépare un jour de cette carabine. Cette numérotation quasi systématique des pièces n'est pas sans rappeler celle des pièces de K98k et distingue les exemplaires précoces des suivants, dont seulement les pièces principales seront revêtues du numéro de série de l'arme.
Les poinçons d'épreuve B U G couronnés confirment que l'on a ici affaire à une carabine éprouvée avant 1940.
Le verrou de culasse, positionné plus haut sur les exemplaires précoces, masque en partie l'inscription
MAUSER-WERKE A.G. OBERNDORF A. N. - ce ne sera plus le cas sur les DSM plus tardives.
Le nom de l"entreprise Mauser apparaît de façon similaire sur ce Mod. 1935 Brésil.
D'après les numéros de série relevés par Jon Speed (
Mauser Smallbores Sporting, Target & Training Rifles), cette carabine se place parmi les dix plus anciennes DSM 34 produites par Mauser qui soient parvenues jusqu'à nous. Le livre de Robert Simpson (
Training Rifles of Third Reich Germany), qui possède une base de données plus étendue, classe cette DSM au 15e rang des plus anciennes DSM 34 Mauser connues. Bien entendu, bon nombre de DSM 34 n'auront jamais été répertoriées, mais celle-ci fait incontestablement partie de la production initiale.
L'oeillet de démontage de la culasse est parfaitement fonctionnel : la culasse de la DSM 34 est littéralement une culasse de K98k miniature et se démonte exactement de la même façon.
Le "bouton" visible un peu plus haut correspond au point d'attache de la bretelle, différente de celle du K98k
La plaque de couche en acier, même si elle est similaire à celle des K98k précoces, est néanmoins plus épaisse et ses vis ne sont pas réparties de la même façon. Cette plaque de couche sera reprise sur les KKW et devrait donc, par conséquent, être identique à celles de nos TU-KKW et JW25 contemporaines - il faudra que je vérifie à l'occasion.
La plaque de couche du Mod. 1935, du même modèle que celle des K98k précoces, illustre ces différences.
Anneau de grenadière et embouchoir sont d'un type différent de ceux du K98k et l'arme ne comporte pas, à la différence du KKW, de tenon de baïonnette.
Embouchoir et anneau-grenadière sont maintenus en place à l'aide de goupilles. Si le
Standard Modell et le
Gewehr für Deutsche Reichspost possèdent encore un embouchoir maintenu en place par une goupille (l'anneau-grenadière étant maintenu par un ressort à lame), le K98k de la Wehrmacht ne sera plus équipé que d'un unique ressort à lame maintenant à la fois l'anneau-grenadière et l'embouchoir. En cela Mauser se montrera plus fidèle à l'original quand ses
Kleinkaliber Wehrsportgewehre (KKW), censés reproduire le fusil réglementaire K98k, seront mis en production : un seul ressort à lame pour maintenir anneau-grenadière et embouchoir, là où les autres fabricants (BSW/Gustloff, Walther) continueront d'employer le système qui avait fait ses preuves sur la DSM 34. C'est bien entendu ce système que l'on rencontre encore de nos jours sur les carabines .22 LR "germanoïdes" du Chinois Norinco (JW25/TU-KKW, JW25a/TU-33/40).
La "baguette de nettoyage" (
stacking rod en anglais) n'a d'autre utilité que de rendre possible de mettre les carabines en faisceau. Cette pièce, souvent détériorée ou perdue, manque souvent sur les DSM.
Je n'ai pas été capable de déterminer l'origine de la DSM 34 "donneuse" (car, il ne faut pas se faire d'illusions, la seule manière d'obtenir une crosse complète est de cannibaliser une carabine du même modèle !), mais il faut remarquer qu'en dépit du nombre très élevé de fabricants ayant produit ce modèle (de mémoire, pas moins d'une quinzaine !), la grande majorité des pièces de ces carabines sont parfaitement interchangeables.
Epilogue : bien que cette carabine .22 long rifle, conçue à l'origine par Mauser, reprenne les éléments essentiels du fusil réglementaire allemand tout en les adaptant au petit calibre (culasse en tous points similaire à celle du K98k, tant dans son fonctionnement que dans son démontage, sûreté en drapeau, même prise de visée) et qu'elle ait été adoptée officiellement pour la formation au tir de différents groupes paramilitaires, elle n'allait pas tarder à être critiquée, en particulier par l'OSAF, le plus haut échelon de la SA - apparence trop éloignée de celle du K98k, masse jugée insuffisante... C'est ainsi qu'allait naître le
Kleinkaliber Wehrsportgewehr ou KKW, ancêtre de nos TU-KKW et autres JW25 de Norinco, et que la DSM 34, quoique modifiée pour répondre aux critiques de ses détracteurs et produite au moins jusqu'en 1940, allait céder la place à la nouvelle carabine .22 LR officielle du parti national-socialiste.