Lee-Enfield No. 8 Mk I

Bonsoir à tous,

Vous trouverez ici une review que j'ai déjà publiée sur un forum dédié au .22 LR. J'ai pensé qu'elle pouvait malgré tout présenter un certain intérêt pour les membres du forum airgun  .

L'arme que je vous présente ce soir est un Lee-Enfield No. 8 Mk I de 1951. C'est en fait mon second Lee-Enfield en .22 LR, après un SMLE Mk III* de 1916 converti en No. 2 Mk IV* .22 LR.





Ce No. 8 présente la particularité d'être équipé d'un complément de hausse A. J. Parker 8/53 qui, s'il n'est sans doute pas sur un pied d'égalité avec les dioptres Parker-Hale, n'en reste pas moins relativement rare et convoité.




On m'a dit par ailleurs qu'il pourrait s'agir d'une copie, mais, honnêtement, je ne pense pas que cela soit le cas : ce complément de hausse "respire" la qualité, c'est une évidence pour moi.
Notez au passage que la planchette de hausse comporte le H qui permet d'utiliser des landscapes targets ("cibles paysage") sans les cribler de balles (les tirs sont déportés de plusieurs dizaines de centimètres vers le bas de cette façon). Le F également visible sur la photo indique que cette pièce a été fabriquée à Fazakerley.
Une dernière remarque : l'oeilleton de combat (battle sight/aperture) a été arasé, probablement pour permettre l'utilisation d'un dioptre plus conséquent sur le complément de hausse.



A l'instar des Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale, les Britanniques semblent obsédés par le marquage des pièces, et cela jusqu'à la plus petite (F pour Fazakerley visible ici).



Le petit bouton-poussoir (au centre sur la photo) qui permet de retirer la culasse est marqué du broad arrow réglementaire britannique...



Autre particularité de ce No. 8, il a subi un factory thorough repair (FTR, c'est-à-dire réparation complète en usine) à Enfield (code UE) en 1966, ce qui explique son bon état général pour une arme de 70 ans passée entre les mains pas toujours expertes de centaines de cadets britanniques avant de vivre une retraite bien méritée dans notre bel hexagone. D'après la "bible" d'Ian Skennerton (The Lee-Enfield, A Century of Lee-Metford & Lee-Enfield Rifles & Carbines), "pas mal" (quite a few) de No. 8 ont subi cette cure de jouvence à Enfield à la fin des années 1960. Remarquez, à droite, le broad arrow réglementaire qui atteste l'usage militaire (ou paramilitaire, en l'occurrence) de cette arme.



Le F51 visible sur la photo ci-dessus nous dit que cette carabine a vu le jour à Fazakerley en 1951.



Trois photos prises sous des éclairages différents pour des marquages qui demeurent des énigmes pour moi à l'heure actuelle, en dehors du classique broad arrow.






Les poinçons d'épreuve habituels ont été apposés sur la partie du canon qui dépasse dans la chambre.



Le M apposé sur le canon (peut-être remplacé lors du FTR de 1966) pourrait indiquer qu'il a été fabriqué à Maltby, dans le Yorkshire. Ce canon porte en tout cas un poinçon de contrôle d'Enfield (monogramme ED au-dessus d'un 3). Je n'ai rien trouvé pour l'instant au sujet du delta ou triangle qui figure à droite sur la photo.





La noix de culasse porte le marquage M47B ou M47C ; il s'agit donc d'une pièce fabriquée par BSA à Redditch (M47B) ou, plus probablement, à Shirley (M47C).



Ici, aucun doute, nous avons bien un M/47C accompagné de son broad arrow.



Le chargeur, devenu totalement inutile sur cette carabine monocoup, a été simplement obturé par une plaque.



Le pontet, qui est une pièce originellement destinée à un fusil No. 4 en calibre .303 British, garde un relief qui suggère le vide laissé par ce chargeur. La détente, quant à elle, est réglable.



La crosse, qui est au numéro de la carabine, même si celui-ci est difficilement lisible, porte des marquages qui montrent qu'elle a été confectionnée à Enfield (monogramme ED) en 1963. Elle a donc été remplacée lors du FTR de 1966. Les pièces de ce Lee-Enfield sont codées à l'aide de marquages CR (= carbines & rifles) suivis de 3 chiffres, typiques des productions tardives (No. 8, L8, L42, etc.) à partir du début des années 1950.





Un code (CR358 ?) figure également à l'intérieur du garde-main supérieur, mais il faut une certaine dose d'imagination pour parvenir à le lire !



Un bracelet de grenadière fabriqué à Fazakerley en 1949 (marquage F49).



Les crosses de Lee-Enfield existaient en trois tailles - petite, moyenne et longue. Celle-ci porte le N de normal qui indique une longueur standard.



La plaque de couche est en caoutchouc - pas très martial, pour un military trainer, mais nettement plus pratique pour épauler sans risque de voir cette crosse glisser.



Le numéro de série de l'arme est répété sur le levier d'armement, dans le plus pur style "Lee-Enfield".



Un poinçon d'épreuve sous la boule du levier.



Un F51 qui reste cohérent avec l'ensemble.



L'auget de chargement.



La culasse est particulièrement courte...



Les débattements respectifs de la culasse de mon No. 2 Mk IV* et de ce No. 8 : l'image parle d'elle-même.






Un petit aperçu du guidon, pour finir.



(à nouveau le F de Fazakerley, ainsi que la taille du guidon)



Voilà en gros à quoi ressemble ma petite dernière

L'histoire aurait pu s'arrêter là, mais je ne résiste pas à l'envie de vous présenter les grandes soeurs de cette petite carabine :



Dans le sillage de ce Lee-Enfield d'entraînement en .22 LR d'autres armes, en calibre 7.62 mm OTAN, cette fois, on vu le jour - que ce soit sous la forme de fusils de sniper (L42A1) ou de carabines de compétition militaire (L39A1) et civile (Envoy). La ressemblance n'est pas fortuite, puisque ces armes ont pas mal de pièces en commun avec le No. 8 Mk I.

Encore une magnifique review toujours bien expliquer argumenter de ta part , accompagner de très belles photos c'est un plaisir de te lire merci à toi
amicalement

hello
belle rewiew
j'ai connu cette arme dans les années 80 car un de mes amis armurier en possédait une ,c'est une arme magnifiquement conçue

cro magnon 07 a écrit:

hello
belle rewiew
j'ai connu cette arme dans les années 80 car un de mes amis armurier en possédait une ,c'est une arme magnifiquement conçue

On pourrait dire que c'est l'art d'accommoder les restes, car cette carabine est en grande partie bâtie sur des éléments de fusils Lee-Enfield No. 4 et 5 recyclés. Elle appartient en tout cas à la grande famille des No. 4 dont le tout dernier représentant fut le fusil de précision L42A1, issu directement de conversions de No. 4 (T) (= fusils de sniper de la Seconde Guerre mondiale) et en service jusqu'en 1992.

Je n'aurai jamais les moyens de m'offrir un L42A1 en 7.62 mm OTAN, ni même ses versions "target" (L39A1 et Envoy), mais cette petite carabine .22 LR monocoup m'offre déjà du rêve

7760pat a écrit:

Encore une magnifique review toujours bien expliquer argumenter de ta part , accompagner de très belles photos c'est un plaisir de te lire merci à toi
amicalement

Merci, Pat
Comme j'adore chercher des Infos sur les différents forums de tir  (souvent anglo-saxons), j'essaie de les regrouper dans mes reviews afin de faire avancer la "recherche"
Amicalement.

Excellent, c'est beau et ça laisse rêveur.

Euloge a écrit:

Excellent, c'est beau et ça laisse rêveur.

Eh, oui, chacun essaie, à sa façon, de faire abstraction d'une période peu enthousiasmante en se focalisant sur des supports autrement plus motivants

Encore une fois chapeau bas pour cette review !!!

Merci encore

Passage au stand cet après-midi, pour voir un peu ce que mon nouveau jouet a dans le ventre.

Voici mon tout premier tir de cinq cartouches, à 50 m, sur appui avant (sac de tir) et avec des CCI Standard :



Je précise que je n'ai en aucune façon touché aux réglages de la hausse, mon instinct me disant que le précédent propriétaire de cette carabine avait pratiqué le tir à 50 m.
J'ai été un peu dérouté par la localisation de la queue de détente, qui n'est pas très intuitive, mais par contre très agréablement surpris par le confort offert par la crosse, sa plaque de couche en caoutchouc et sa poignée pistolet : le maintien de ce No. 8 Mk I est excellent et on le sent très bien calé contre l'épaule, ce qui n'est pas le cas de toutes les carabines d'entraînement (para-)militaires.

La fermeture de la culasse paraît de prime abord un peu raide, mais ce désagrément disparaît dès que l'on comprend qu'il ne faut pas se contenter de déposer la cartouche dans l'auget de chargement mais, au contraire, l'introduire presque entièrement dans le canon (ce qui n'est pas évident avec les CCI, qui ont un diamètre très légèrement supérieur à celui des RWS).

L'éjection des étuis tirés est impeccable, alors qu'elle est souvent faiblarde avec le KKW allemand de Gustloff, par exemple.

Le complément de hausse A. J. Parker offre un excellent confort de visée : la finesse du cran de mire, tel qu'il apparaît dans le dioptre, est 100 % adaptée au tir sur cible à 50 m et les "oreilles" du guidon encadrent parfaitement la cible et son visuel, permettant au passage d'éviter facilement les devers fâcheux puisque ces oreilles sont verticales.

Bref, c'est la carabine idoine pour un tireur quinqua peu habile.

Au bout de quarante cartouches (CCI Standard, RWS R50 et Eley Tenex), j'obtiens ce résultat :



Même si cet ensemble est largement perfectible, il n'en démontre pas moins une certaine régularité des tirs en dépit de la variété de munitions utilisées.

Très joli review qui offre du rêve. Merci pour ce partage.

hello
jolis cartons ,avec un peu d'entrainnement et après avoir trouvé la munition idéale ça doit pouvoir resserer un peu .

Pour tenter d'illustrer cette sous-famille "target" et "sniper" de fusils ou carabines issus du Lee-Enfield No. 4, voici quelques photos, toutes prélevées sur l'excellent site de Highwood Classic Arms.

Le No. 8 Mk I est sans conteste le plus ancien représentant de cette sous-famille, puisqu'il est entré en service dès la fin des années 1940. Il y a tout lieu de penser que c'est de lui que s'inspireront les fusils Lee-Enfield en calibre 7.62 mm OTAN qui verront le jour entre la fin des années 1960 et le début des années 1970.





Si un certain nombre de No. 8 précoces est bâti sur des boîtiers de Lee-Enfield No. 5 ("Jungle Carbine"), la majorité d'entre eux le sera sur des boîtiers de No. 4 Mk I, probablement neufs de stock, puisqu'ils ne comportent pas, en règle générale, l'ejector screw visible du côté gauche sur les fusils No. 4.






Le No. 4 7.62 CONV est probablement plus ancien (1969) que le L39A1, dont il partage les numéros de série. Comme son nom l'indique, il s'agit d'une conversion en calibre 7.62 mm OTAN (7.62x51) de fusils Lee-Enfield No. 4 Mk 2. Il s'agit d'un target rifle monocoup - son chargeur en .303 British fait simplement office d'auget de chargement.






Arme de compétition en 7.62 mm, le L39A1 est identique au No. 4 7.62 CONV mais explicitement destiné au tir militaire.






Variante commerciale (et donc civile) du LR39A1, l'Envoy est lui aussi bâti sur un boîtier de No. 4 Mk 2.






Fusil de précision en 7.62 destiné à la police britannique, l'Enforcer ne sera fabriqué qu'à 767 exemplaires environ, dont tous ne seront pas montés. 518 seront fournis aux forces de police britannique... dont 50% seront détruits au moment de leur réforme !






Bâti, comme le No. 8 en .22 LR, sur des boîtiers de No. 4 Mk I, le fusil de sniper L42A1 est une conversion en calibre 7.62 mm OTAN d'anciens No. 4 (T), c'est-à-dire de fusils de tireurs d'élite de la Seconde Guerre mondiale équipés de lunettes (telescopes, d'où le T). Entré en service en 1970, il en sera retiré en 1992, ce qui fait de lui l'ultime représentant de la longue lignée des Lee-Metford et Lee-Enfield au sein des forces armées britanniques.

Contrairement à la plupart des No. 8, le numéro de série du mien, sa dénomination ainsi que la mention de son FTR à Enfield en 1966 ont été frappés. La similitude avec les inscriptions présentes sur les armes citées plus haut est souvent... frappante






A comparer avec un marquage plus "typique" de ces No. 8 :

J'ignorais qu'il existait des Enfield en .22 d'origine

pifoux a écrit:

J'ignorais qu'il existait des Enfield en .22 d'origine

Le No. 8 Mk I est quasiment la seule des très nombreuses variantes à ne pas être une conversion de Lee-Enfield en .303 British, même s'il est composé en bonne partie de pièces du fusil de guerre (boîtier, pontet, détente...).

Merci pour ces belles choses superbement photographiées qui changent un peu de la CNC.
Merci pour ces beaux aciers aux usinages fins, miam !
Le dioptre est un bijou.
Mais rien à faire, est-ce une question "d'esthétique acquise" (qui fait que tel objet doit se présenter sous cette forme et/ou cette couleur) ou pas, mais la version stutzen reste ma préférée.
Bah, stutzen et numérotation et marquages partout, les angles sont devenus les anglo-saxons avec bien des cousinages royaux en Germanie (et ailleurs... Georges V / Guillaume II / Nicolas II, les cousins sosies).

Le meilleur pour la fin : le guidon !!! Un morceau de bravoure, bien anglo-saxon-germain avec cette obsession du truc pour corriger le chose qui peut varier avec la température et l'âge du capitaine...
Ode à la queue d'aronde et probable exercice obligé pour les apprentis armuriers : allez hop les gars, noir de fumée et montage gras ; z'avez 4 heures. Tous à vos limes !

C'est vrai que, dans le domaine de l'alésage de mouche (j'allais écrire "encu.age de mouche"), nos grands amis héréditaires anglo-saxons sont au top
Le complément de hausse, bien que très simple, est d'une redoutable efficacité et très finement réalisé ; c'est la cerise sur le gâteau qui sublime quelque peu ce petit Lee-Enfield en lui donnant un aspect quasi chirurgical : l'ADN guerrier de l'arme s'efface devant l'instrument de précision

so british magnifique

MAGNIFFIQUE

J'ai eu l'occasion de tirer il y a très longtemps avec un Enfield en 30.30. Ce fut une expérience très agréable, d'une excellente précision qui permettait de faire sonner le gong à 200m à chaque tir sans équipement de visée spécifique.
Une belle arme très précise
Merci pour cette revue

pifoux a écrit:

J'ai eu l'occasion de tirer il y a très longtemps avec un Enfield en 30.30. Ce fut une expérience très agréable, d'une excellente précision qui permettait de faire sonner le gong à 200m à chaque tir sans équipement de visée spécifique.
Une belle arme très précise
Merci pour cette revue

Avec plaisir, Pifoux
Personnellement, je dirais que c'est la hausse du No. 4 qui fait la différence - je pense en particulier à la hausse Mk I "Singer" : munie du complément A. J. Parker qui est sur la mienne, elle rivalise sans problème avec des dioptres assez perfectionnés, mais même sans ce complément elle est déjà très précise. La visée ouverte de mon SMLE Mk III* en .22 LR est déjà beaucoup moins confortable, surtout pour quelqu'un ayant dépassé le demi-siècle...

Un très bel exposé bien étayé comme toujours.
De plus, ça  semble une arme à la "détente facile" (à apprivoiser), aidée d'un bon dioptre et pas difficile concernant le choix de la mun. Elle allie donc plaisir de tirer et collection, profite en bien!

fébus a écrit:

Un très bel exposé bien étayé comme toujours.
De plus, ça  semble une arme à la "détente facile" (à apprivoiser), aidée d'un bon dioptre et pas difficile concernant le choix de la mun. Elle allie donc plaisir de tirer et collection, profite en bien!

J'avoue que, au départ (il y a plusieurs années de cela), je n'étais pas trop emballé par son aspect "sporterisé" : pour moi, un Lee-Enfield, ce devait être une arme à fût long. Avec le temps, j'ai appris à apprécier ce qui justement me détournait de ce type d'arme et je ne dirais plus non à l'un des avatars du Lee-Enfield No. 4 en 7.62 mm OTAN (= .308 Winchester), qui me paraissent aujourd'hui somptueux (Envoy, L39A1, L42A1, Enforcer ou No. 4 7.62 Conv, en photo plus haut). Cela dit, ce n'est pas pour rien que je n'achète plus que des armes en .22 LR depuis plusieurs années : munition peu onéreuse et toujours disponible (même si, en ce moment, les armuriers ont de plus en plus de mal à en importer des Etats-Unis), tir en stand à 50 m parfaitement adapté à ce type de calibre (ce qui n'est pas le cas pour le 8 mm Mauser, où le 50 m te laisse sur ta faim), MAIS avec le plaisir d'avoir une arme militaire entre les mains, avec des marquages qui témoignent d'une réelle histoire qui s'étale le plus souvent sur plusieurs décennies, parfois un siècle complet, comme c'est le cas pour mon No. 2 Mk IV* de 1916. Comme il s'agit d'armes monocoup en petit calibre, elles sont de surcroît beaucoup plus pacifiques que les armes de guerre dont elles proviennent.

Avec cet assez rare complément de hausse A. J. Parker, ce No. 8 permet des tirs si confortables que je me faisais la réflexion que je risquais de tomber dans la facilité